Séance // Du Poil sous les roses

Roudoudou, jeune fille de quatorze ans, et Romain, quinze ans, tentent de survivre à l’adolescence…

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Genre paradoxal s’il en est, la comédie de mœurs pour ados est souvent mise en scène uniquement pour capter les modes du moment afin de livrer de quoi attirer les moins de 20 ans dans les salles. D’ailleurs, il est produit par des adultes (et parfois même avec des adultes dans les rôles principaux), et assume son rôle de produit commercial ne cachant pas sa date limite de consommation. Catalyseur de son époque, on y retrouve souvent les tics et coutumes sociaux de l’année de sa réalisation, et est souvent fait sur un même modèle, à savoir un succès précédent. Regarder un film du genre trois ans après sa sortie a déjà un parfum un peu sinistre, avec un language, une technologie, des coiffures et des fringues d’une autre galaxie. A la rigueur, passé deux ou trois décennies, la nostalgie s’installe, pour quelques élus.

A l’aube du XXIème siècle, la teen-comedy connait un regain suite au succès de American Pie. De nombreuses suites officielles et officieuses tentent de capitaliser sur ce nouveau ton, moins pudibond et plus frontal. Et quand la France essaye de surfer sur le succès de ces « adomédies », cela donne des produits du « niveau » de Sexy Boys.

Mais le sujet de l’adolescence peut aussi être plus intéressant. Ainsi, au lieu d’offrir une image faussée et artificielle, les bons cinéastes se souviennent de leurs propres jeunesses pour tenter d’offrir sinon des réponses, au moins des éléments aux questions qui nous habitent à cet âge-là. Bien évidemment, le résultat est moins glam, moins politiquement correct. C’est le cas de Mais ne nous délivrez pas du mal de Joel Séria ou encore de l’autre côté des Alpes Avere Vent’anni de Frenando di Leo et plus récemment La Solitude des nombres premiers en Italie, qui choisissent de traiter du sujet de manière plus grave et sombre. Sous couvert de l’humour, c’est aussi le cas du tristement méconnu Du Poil sous les roses, qui sortit lui aussi en 2001. Et s’il semble surfer sur les mêmes traces que Sexy Boys, la comparaison s’arrête rapidement pour laisser place à une petite perle.

La grande intelligence de Du Poil sous les roses est de proposer derrière un humour grivois un regard plutôt juste sur l’adolescence, mais plus largement la génération de l’aube de ce nouveau millénaire. Ainsi, les dialogues résolument crus des personnages, à faire rougir Bertrand Blier, apparaissent rapidement comme vidés de tout sens. Pire, ils sont employés par des personnes ne comprenant absolument pas ce qu’ils signifient. Une jeunesse copiant les modèles en vigueur pour paraître, n’ayant de toute façon pas le temps de les analyser. Cette frénésie générationnelle, on la retrouve dans le débit des paroles enchaînant les grossièretés, mais aussi dans le montage et le découpage, secs et s’enchaînant à un rythme excessif, pour mieux montrer le chaos intérieur des jeunes Roudoudou et Romain, deux ados paumés en manque de repère.

Mais ce ne sont pas les seuls éléments propres à cette génération. Roudoudou, tentant de comprendre le sens de la vie d’ado en 2001, va filmer et interviewer ses amis, sa famille, ses parents, afin de mieux percer ce secret de l’existence que nous cherchons tous à percer et saisir. Un exercice à la fois étrangement visionnaire (aujourd’hui, tout le monde filme tout, partout, tout le temps) qui se révèlera vain. Roudoudou en tirera quand même entre deux situations comiques quelques belles pensées, qu’elle nous livrera de temps en temps. « Quand on est adolescent, c’est normal de ne pas être normal » déclare-t-elle, avec justesse.

La structure en trois parties nous présente tout d’abord les tourments de la pétillante Roudoudou, puis ensuite ceux de Romain, pour enfin conclure sur leur rencontre. Une réalisation à quatre mains, Agnès Obadia (Romaine par moins 30, Joséphine) et Jean-Julien Chervier (le court-métrage La Fonte des neiges) mettant en scène ces segments qui cohabitent afin de nous livrer des portraits parfois touchants, parfois maladroits (la partie de Romain est un poil plus faible), mais toujours originaux, audacieux et précis. Un portrait chaotique passé quelque peu inaperçu lors de sa sortie, faussement présenté comme une comédie de plus à consommer entre deux fast-food mais qui se révèle très vite être un joli pied de nez à un genre commercial et peu intéressant, à qui Du Poil sous les roses emprunte les codes pour mieux les détourner joyeusement. Une friandise acidulée à redécouvrir en DVD (à condition de bien chercher, le titre semble épuisé) ou en salle lors des très rares projections.

Bonne nouvelle : Du Poil sous les roses, va être diffusé sur grand écran aux 3 Luxembourg le dimanche 31 janvier 2016 à 20h30 dans le cadre des séances GloryLOL cinéma club, rendez-vous incontournable pour tous les fans d’humour déglingué et de découvertes délicieusement barges. j’aurai le plaisir d’animer l’échange avec le public et de revenir avec les deux réalisateurs et la comédienne Julie Durand sur l’ « ado-médie » made in France.

FICHE DU FILM

TITRE(S) : Du Poil sous les roses
RÉALISATEUR : Jean-Julien Chervier & Agnès Obadia

ANNÉE : 2001 | PAYS : France | GENRE : Comédie de mœurs

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