Bertrand Tavernier à propos du Blu-ray de La Vie et Rien d’autre

En mars dernier sortait le Schnock numéro 18 consacré à Philippe Noiret. Pour l’occasion, j’avais rencontré pour une longue interview Bertrand Tavernier. J’en avais profité pour réviser mes classiques et acquérir plusieurs de ses titres sortis en haute définition, notamment le coffret contenant Capitaine Conan et La Vie et rien d’autre chez StudioCanal. Mais pour ce dernier, je fus étonné de l’étalonnage étrangement contemporain et « filtré », en dépit de la précision de l’image. L’impression est frappante, comme c’est visible sur le comparatif réalisé par DVDClassik entre le master du Bluray et son homologue qui a servi à la création du DVD.

J’avais abordé le problème avec le réalisateur pour lui demander son avis, que je vous propose aujourd’hui en exclu ici-même. Une manière de rappeler que le nouveau numéro de la revue, consacrée cette fois à Mireille Darc, sera dans les bonnes librairies dès mercredi.

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  • Comment s’est passé le financement du film ?

Horrible. Je suis revenu à L’Horloger de Saint-Paul et Que la fête commence… Le premier producteur n’a pas pu le monter. René Cleitman, le second, n’arrivait pas à boucler le financement, et en plus son supérieur, le PDG de Hachette Audiovisuel, avait détesté le scénario, et m’avait convoqué pour me dire : “ce film ne fera pas une entrée, il n’intéressera personne. Il est sinistre.” J’essayais de me défendre, en disant qu’il y aura des moments où les gens riront, ça sera jamais morbide. Il croyait qu’on allait voir les corps, je lui disait qu’on ne les verrait pas autrement que dans l’œil des gens qui les regardent. Je ne veux pas montrer un corps en décomposition, ça ne m’intéresse pas. C’est la réaction de la personne qui regarde ce corps qui est intéressant.

Ce PDG m’avait proposé un chèque de la totalité de mon contrat pour que je renonce au film, plus un nouveau film de mon choix. Donc il me payait ce que j’aurais gagné sur un an en une fois, et j’ai dit non. C’est la même chose qu’avec Danon*, j’ai vu dans ses yeux : “j’ai affaire à un fou furieux, on ne peut pas négocier avec un fou furieux”, et il a abandonné. J’ai pu faire le film mais uniquement parce que Noiret et Sabine Azema ont mis la moitié de leur participation, que toute l’équipe a accepté de tourner au minimum syndical, que j’ai abandonné des pourcentages et des parts producteur.

Quand le film a marché, ils n’ont pas été restitué par Hachette. Ils auraient pu dire “vous avez abandonné votre pourcentage, mais vous êtes en train de rapporter beaucoup d’argent…”, mais non. C’était une mesquinerie de leur part. A Hachette, ils n’ont pas voulu dépenser l’équivalent à l’époque de 30 000 francs, c’était rien, pour qu’on mixe le film en Dolby. Ils ont dit que c’était jeter de l’argent par la fenêtre. Le Dolby existait depuis six ou sept ans. Du coup, comme on était un des films scope qui n’était pas dans cette technologie audio, les salles se trompaient souvent et le passaient quand même en Dolby, et c’était une catastrophe. A Cannes, pour l’hommage à Noiret, ils l’avaient passé en Dolby, et on n’entendait plus le dialogue, le son disparaissait. Une horreur ! Et c’est le résultat de la pingrerie de Hachette. Maintenant, le Dolby, pour le sortir en Blu-ray, permettrait d’utiliser tout ce que j’avais comme son direct qui était génial, et la musique de Oswald d’Andréa.

  • L’année dernière, le film est justement sorti en Blu-ray. Vous avez refait l’étalonnage ?  

Je ne suis pas content du Blu-ray. Ils se sont gourés, ils l’ont tiré trop clair, sans contraste. Maintenant, la bonne valeur, c’est le DCP que vient de refaire l’étalonneur du film, Olivier Chiavassa, pour le présenter à Venise. Je pense que l’équipe s’est trompé avec une machine de tirage et moi, j’ai été négligent. Je pensais qu’ils consultaient le chef opérateur. Par contrat, je veux toujours que les chefs opérateur soient consultés. Pour Capitaine Conan, je pense que Alain Choquart (le directeur de la photographie, ndlr) a été consulté, mais le Blu-ray de La Vie et rien d’autre n’est pas bon du tout. A la limite, le DVD est pas mal. Le Blu-ray devrait être refait selon les normes.

Le premier DCP était très mal tiré. En plus on avait un procédé de tirage qui était compliqué à l’époque. On avait atténué des couleurs et on s’était aperçu que quand on essayait de tirer les copies de manière industrielle, c’était une catastrophe. Il y a des tas de copies du films qu’on a dû jeter, parce que c’était hyper clair, le film était surexposé. Il fallait le tirer copie par copie et vérifier à chaque fois que l’étalonnage reste le même.

*voir l’interview complète à ce sujet, à propos de la production de L’Horloger de Saint Paul.

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